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Ô temps, suspends ton vol !

Ce célèbre hémistiche est attribué à Lamartine, grand poète romantique et figure  dans "Le lac", un des plus célèbres poèmes des "Méditations poétiques" parues en 1820.


Lamartine par Decaisne 1839Lamartine (Decaisne -1839)


"Julie Charles était une personne que Lamartine admirait. La muse du poète n'avait pas pu se rendre en août 1817 au Lac du Bourget (lieux de maintes rencontres) où elle devait le revoir. Malade, elle mourut en effet peu après. Lamartine revient seul revoir les lieux qu'il a visités autrefois avec elle. Surpris de trouver la nature toujours semblable à elle-même et indifférente, il souhaite qu'elle garde au moins le souvenir de leur bonheur passé. La douceur mélodieuse des vers exprime heureusement le calme voluptueux d'une nuit d'été, et la fuite rapide des heures. L'œuvre, composée de seize  quatrains , rencontre un grand succès et propulse son auteur au premier rang de la poésie romantique et du lyrisme."Cette composition est souvent comparée à la Tristesse d'Olympio, de Victor Hugo et au Souvenir d'Alfred de Musset.. Elle fut mise en musique par Niedermeyer.

En fait, Lamartine avait emprunté cet hémistiche à Antoine Léonard Thomas (1732-1785), poète, critique et académicien français, surtout renommé en son temps pour sa grande éloquence. L'hémistiche se trouve dans:

Ode sur le temps
(Première et dernière strophes)

Le compas d’Uranie a mesuré l’espace.
Ô Temps, être inconnu que l’âme seule embrasse,
Invisible torrent des siècles et des jours,
Tandis que ton pouvoir m’entraîne dans la tombe,
J’ose, avant que j’y tombe,
M’arrêter un moment pour contempler ton cours.

[...]
Ô Temps, suspends ton vol, respecte ma jeunesse ;
Que ma mère, longtemps témoin de ma tendresse,
Reçoive mes tributs de respect et d’amour ;
Et vous, Gloire, Vertu, déesses immortelles,
Que vos brillantes ailes
Sur mes cheveux blanchis se reposent un jour.

Le Lac 
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
          Lamartine (Méditations poétiques)
Lamartine (portrait de Theodore chasseriau)
                 Lamartine -portrait par Chasseriau

Date de dernière mise à jour : 26/05/2017

Commentaires

  • PAILLOT
    J'aimerais ici pouvoir relire le poème de Ronsard sur "La rose, qui ce matin avait éclose ...", poème sur le temps qui passe et nous rattrape ... Ceci pour nous rappeler que la beauté et la jeunesse ne sont pas éternelles, sauf dans le coeur !

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